lundi 22 mars 2010

Stuff Happens : Le théâtre comme cour de justice.

Stuff Happens, pièce écrite par le dramaturge anglais David Hare en réaction à l'engagement militaire anglais en Irak, fait partie d'une nouvelle forme de théâtre documentaire, qui émerge en Angleterre dans les années 90. En effet la scène anglaise contemporaine est le témoin d'une radicalisation des partis pris politiques et esthétiques : le verbatim théater (c'est à dire une pièce construite à partir des discours non factices des personnages politiques) est utilisé par de nombreux dramaturges. Ici, La forme de Stuff Happens est en grande partie structurée autour de citations dites verbatim et d’une autre partie inventée par l’auteur, conférant ainsi à la pièce un fort caractère documentaire, puisque David Hare a effectué ici un travail presque journalistique Le théâtre se transforme alors en une cour de justice, un espace de débat. qui permet de reconsidérer l'actualité. Le spectateur n'est plus seulement un témoin d'impuissance, passif, qui observe les décisions politiques. David Hare, en mettant en scène Stuff Happens, cherche à développer la capacité à réagir du spectateur. Ainsi, Elisabeth Angel-Perez explique la conception du théâtre de David Hare:  
« Pour sir David Hare, le rôle du théâtre consiste à analyser la société - un peu à la manière d'un journaliste idéal (A Map of the World, 1983). « Les mots ne peuvent être testés que lorsqu'ils sont dits. Les idées ne peuvent être mises à l'épreuve qu'en situation. Voilà pourquoi le théâtre est la cour [de justice] la plus efficace dont dispose la société. » Tout l'itinéraire de David Hare reflète cette conception. [...] Si David Hare s'intéresse à l'état de la société et à la maladie du monde, c'est qu'il ne cesse de redéfinir la mission du théâtre. La propension autoréférencielle de son théâtre, évidente dans The Judas Kiss (1998), dédié à Oscar Wilde, ou encore dans The Blue Room (1998), réécriture de La Ronde de Schnitzler, transparaît plus subtilement dans cette pièce-limite qu'est Via Dolorosa (1998). Là, l'auteur-acteur-personnage occupe, seul, le centre de la scène pour recréer par son soliloque, la situation qu'il a vue de ses yeux au Proche-Orient. Ce qui se joue alors, ce sont à la fois l'analyse du conflit israélo-palestinien et le rôle de l'artiste dans la société. »

Par son théâtre « engagé», David Hare pose des questions politiques sous le regard d'une communauté rassemblée: c'est donc l'occasion pour le public d'obtenir un nouvel espace de débat. Il s'agit ici pour le dramaturge de d'offrir un impact réflexif au théâtre tout en sauvegardant sa fonction divertissante et artistique.
Le théâtre, lieu de diverses expérimentations, est une pensée qui permet de considérer les évènements politiques comme des objets de réflexion pour le spectateur. Alain de Chalvron, journaliste, le souligne: « une pièce de théâtre ou un film est un bon moyen de vulgariser ces questions-là, [politiques] et de faire comprendre les choses au public. Parce qu’on est, nous, dans un milieu où l’on suit ces questions d’assez près, mais pour la grande majorité des gens, il est tout à fait nécessaire et salutaire d’avoir une pièce, un support vulgarisateur. »
La mise en scène est l'occasion de s'enfoncer librement dans les méandres de la pensée humaine sans le carcan consensuel de la masse. Stuff Happens est un moyen efficace et vivant d'atteindre de dénoncer des agissements parfois discutables de certains hommes politiques et de les mettre en évidence grâce à lui :
On retrouve par exemple les hommes politiques de l'époque : George W. Bush, Tony Blair, Dominique de Villepin passent du discours officiel devant les médias ou à l'Organisation des Nations Unies, à des scènes imaginées par David Hare dans une sphère plus privée. La réalité présente sur scène prend alors tout son sens puisqu'elle possède une fonction dénonciatrice et met en relief les illusions qu'utilisent les hommes politiques : ainsi, Bruno Freyssinet et William Nadylam expliquent que :
« La force de ce drame contemporain se situe dans sa capacité à rendre théâtral le mécanisme politique, le jeu d'échecs auquel se sont livrés quelques leaders représentant leurs nations respectives.»
Stuff happens est un réquisitoire à charge des événements politiques. La pièce saisit le spectateur dans la proximité du discours. Ainsi, David Hare cherche à créer un nouveau spectateur, plus conscient à sa sortie du théâtre.

Source :
Théâtre des Amandiers:
http://www.nanterre-amandiers.com/spectacle-presentation.php?spectacle_id=104

Le théâtre de David Hare : le style théâtre-document

Avec Via Dolorosa en 1998 sur le conflit israélo-palestinien et sa pièce Stuff Happens en 2004 sur la préparation de l’intervention américaine en Irak, David Hare étend sa critique à la scène internationale. Observateur sagace, le dramaturge promène autour de lui le regard du Candide de Voltaire dont la lucidité goguenarde éclaire les évènements avec une acidité contrôlée, toujours calquée sur la réalité. [ …]
Témoignage de la mouvance d’une société qui s’interroge sur son avenir à l’aube du troisième millénaire, le théâtre de David Hare, selon Max Stafford-Clark qui fut l’un des fondateurs du Joint Stock en 1974, doit être considéré comme un véritable théâtre-document : « Personne ne peut écrire pour la postérité – mais, si dans deux cents ans, quelqu’un veut savoir comment se passaient les choses aujourd’hui, on pourra se référer aux pièces de David Hare comme à une carte du monde. »

Source: Monique Prunet, université de ParisIV-Sorbonne
In Le théâtre anglais contemporain, sous la direction d’Elisabeth Angel-Perez et de Nicole Boireau

Stuff happens: De la politique et de la littérature

"Ca arrive à tout le monde"… Voilà ce qu’a répondu Donald Rumsfeld, secrétaire d’Etat à la Défense américaine à une question de journalistes sur les pillages et les saccages qui firent suite à la conquête de Bagdad, en 2003. Le dramaturge britannique David Hare répond à cette phrase inopportune en écrivant la pièce éponyme Stuff happens en 2004, mise en scène par Bruno Freyssinet et William Nadylam.

George W Bush, Dick Cheney, Tony Blair, Colin Powell, Dominique de Villepin, les inspecteurs dépéchés en Irak à la recherche d'armes de destruction massive... tous convoqués sur les planches d'un théâtre pour répondre d'une tragédie qui a fait des milliers de morts. David Hare place le spectateur dans le théâtre des tractations diplomatiques qui prennent place entre le 11 septembre et le début de la guerre en Irak. Il met en scène la manière dont ces hommes vont décider, tenter d'influer, se laisser influencer pour des enjeux qui vont hypothéquer la vie de milliers de personnes, d'une nation, d'une région du monde.

Le théâtre apparaît comme la traduction de la cour de justice dont dispose notre société. Dans cette pièce, présentée comme un docu-fiction, l'enjeu consiste à trouver la théâtralité de ces événements. Les propos des protagonistes politiques sont fidèlement restitués, conservant un certain réalisme, mais il s'agit pourtant d'une oeuvre artistique permettant au spectateur de reconstituer l'actualité et de reconsidérer la réalité à travers l'outil culturel théâtral. La force de ce drame contemporain se situe dans sa capacité à rendre théâtral le mécanisme politique, le jeu d'échecs auquel se sont livrés quelques leaders représentant leur nation respective. Il met en lumière la distorsion entre les mots et les faits, la subversion du langage. Il montre aussi l'écart entre l'apparente maîtrise des situations par leurs protagonistes, et l'absurdité du réel. Il s'agit donc d'un véritable exercice théâtral qui trouve ses sources dans le berceau même de la civilisation européenne.

Dès ses origines antiques, l'art dramatique s'est penché sur les débats politiques qui agitaient ses contemporains. En France, la relation entre théâtre et politique va attendre la seconde moitié du 19ème siècle pour s'affirmer. Elle arrive à contre-courant d'un mouvement qui tend à faire du théâtre un simple lieu de divertissement. Le front populaire va favoriser cette expression politique. En 1935, au "Théâtre de l'Athénée", Jean Giraudoux met en scène La guerre de Troie n'aura pas lieu avec Louis Jouvet. Cette pièce reste l'un des symboles de l'utilisation en France de la scène comme espace éthique et politique. Jean Giraudoux y réaffirme son engagement pacifiste face aux menaces et aux nationalismes qui submergent l'Europe.Ce genre de théâtre engagé connaîtra son âge d'or entre 1945 et 1970. Mais le théâtre anglo-saxon va beaucoup plus loin. Le "Tricycle Theatre", dans le quartier de Kilburn, a décidé de consacrer toute sa saison à l'Afghanistan. “Il est du devoir du théâtre d'investir le débat public”, s'exclame son directeur. Une position largement partagée. En s'emparant du débat politique, la scène britannique sert aujourd'hui de catalyseur au mécontentement populaire. Face à cette vivacité, le théâtre français apparaît bien terne. Stuff Happens, de la même façon, dérange, interroge, bouscule, sur le plan idéologique mais aussi littéraire en associant comédie et tragédie à la manière de Shakespeare, alors que les Français ont encore beaucoup de mal à séparer les deux genres. Les directeurs de théâtre et leur directeur littéraire jouent un rôle essentiel dans la commande et la production de ces « pièces documentaires », comme on les appelle ici. «Au National, nous encourageons les jeunes auteurs à écrire pour le plus large public sans pour autant tomber dans la facilité. Nous aimons les pièces qui ont du muscle et qui peuvent tenir en haleine les mille cent spectateurs de nos deux grands théâtres », affirme Chris Campbell, directeur littéraire du Royal National Theatre.

Stuff happens témoigne donc d'un engagement politique et citoyen en prise avec le monde environnant, et associe avec subtilité le réalisme de la mise en scène d'un événement politique et l'exploration du champ des possibles artistiques qu'il engendre, tant sur le plan humain que littéraire.


Sources:

France3 (vidéo):
http://culturebox.france3.fr/all/11710/stuff-happens....ou-comment-le-pire-a-pu-arriver-en-irak.#/all/11710/stuff-happens....ou-comment-le-pire-a-pu-arriver-en-irak./

Théâtre des Amandiers:
http://www.nanterre-amandiers.com/spectacle-presentation.php?spectacle_id=104

lundi 15 mars 2010

Site en construction...

Bonjour et bienvenue sur ce blog !
Vous trouverez ici les travaux et réflexions d'étudiants des universités de Lyon autour de la pièce de David Hare Stuff Happens.
N'hésitez pas à revenir sur ce site dans les prochains jours, de plus en plus de contenu y sera ajouté.